jeudi 27 mars 2008

Fourniret et sa femme devant les juges : décryptage

Michel Fourniret et Monique Olivier doivent répondre de sept meurtres de jeunes femmes ou adolescentes et autant de viols ou tentatives, commis entre 1987 et 2003 des deux côtés de la frontière franco-belge. Tous deux risquent la réclusion à perpétuité, avec une peine de 30 ans de sûreté pour lui, 22 ans pour elle.

Retour sur une affaire hors norme qui a fait évoluer les pratiques policières dans la traque des tueurs en série.

Qui sont les victimes ?
  • Isabelle Laville, une collégienne de 17 ans a disparu le 11 décembre 1987 à Auxerre, dans l’Yonne. Son corps a été retrouvé au fond d'un puits, le 11 juillet 2006, à Bussy en Othe, dans l’Yonne.
  • Fabienne Leroy, une étudiante de 20 ans, a disparu le 3 août 1988, à Châlons-en-Champagne dans la Marne. Son corps a été retrouvé le lendemain près du camp militaire de Mourmelon-le-Grand, dans la Marne.
  • Jeanne-Marie Desramault, une étudiante de 22 ans, a été enlevée le 18 mars 1989 à Charleville-Mézières dans les Ardennes. Son corps a été découvert au Sautou, dans les Ardennes, le 3 juillet 2004.
  • Élisabeth Brichet, une jeune fille belge de 12 ans, a été enlevée le 20 décembre 1989 près de Namur, en Belgique. Son corps a été retrouvé, le 3 juillet 2004, au château du Sautou.
  • Natacha Danais a été enlevée en 1990. L'élève de 13 ans a disparu le 21 novembre, à Rezé en Loire-Atlantique. Trois jours plus tard, son corps a été retrouvé sur la plage de Brem-sur-Mer en Vendée.
  • Céline Sainson, une lycéenne de 18 ans, a disparu le 16 mai 2000 à Charleville-Mézières. Le 22 juillet, son corps a été découvert dans un bois à Sugny, en Belgique.
  • Mananya Thumpong, une collégienne de 13 ans, a été enlevée le 5 mai à Sedan, dans les Ardennes. Son corps a été retrouvé le 1er mars 2002 à Nollevaux, en Belgique.
Michel Fourniret et Monique Olivier ont été mis en examen pour l’enlèvement, le viol et le meurtre de deux autres jeunes femmes.
  • Marie-Angèle Domègea été enlevée en 1988. La jeune handicapée de 18 ans a disparu le 8 juillet 1988, entre le foyer où elle était placée et la gare d'Auxerre.
  • Joanna Parrish, une Britannique de 20 ans, assistante d'anglais à Auxerre, a été enlevée en 1990. Elle a été retrouvée morte le 17 mai 1990.
Qu'appelle-t-on le "pacte sanglant" du couple Fourniret ?

Le mode opératoire est presque toujours le même : Michel Fourniret repère une jeune fille qu'il aborde en voiture. Il lui demande de monter dans le véhicule pour l'aider à retrouver son chemin et la conduit vers un lieu isolé.
À plusieurs reprises, la présence de Monique Olivier dans la voiture aurait permis de mettre en confiance les futures victimes.
Le couple a conclu un "pacte criminel" dès 1987, pendant que Michel Fourniret était détenu à la prison de Fleury-Mérogis pour des agressions sexuelles. Il correspondait alors avec sa future épouse, rencontrée par une petite annonce dans le journal catholique Le pèlerin.
À sa sortie de prison, Michel Fourniret s'engage à tuer le premier mari de Monique Olivier, un homme "violent et jaloux" selon elle. En contrepartie, elle devient complice de son obsession pour les jeunes filles et l’aide à "chasser".

Quel est le parcours de Michel Fourniret ?

Michel Fourniret a déjà 40 ans de vie criminelle derrière lui.
Avant sa dernière interpellation en juin 2003, il avait déjà été arrêté à trois reprises pour agressions, viols et vol à main armé : il aura passé en tout et pour tout moins de cinq ans en prison.
En 1967, Michel Fourniret, âgé de 25 ans, est condamné une première fois à une peine de prison avec sursis pour voyeurisme et violence. Entre 1984 et 1987, il passe trois ans derrière les barreaux pour une dizaine d'agressions et de viols.
Deux mois après avoir recouvré la liberté, il commet le premier des neufs crimes qu'il a reconnus : le viol et le meurtre d'Isabelle Laville, en décembre 1987, dans l'Yonne.
Quatre ans plus tard, en 1991, il est à nouveau condamné à 15 mois de prison pour vols et violences sous menace d'une armé. La peine est légère : Michel Fourniret n'est alors pas considéré comme un récidiviste, mais comme un simple primo délinquant.

Qui est Monique Olivier ?

Femme soumise à la perversité de son mari ou complice active? La personnalité de l'épouse de Michel Fourniret est trouble.
Née en 1948 à Tours, Monique Olivier a connu une enfance modeste. Après une scolarité moyenne, elle enchaîne les petits boulots. Un premier mariage prend fin au bout de dix ans et Monique perd la garde de ses deux garçons. Après un deuxième mariage qui dure six mois, elle rencontre Michel Fourniret en 1986. Ils ont un fils en 1988 et se marient un an plus tard.

Selon la police de Namur, en Belgique, Monique Olivier était "complètement soumise" à son mari, vivant dans un "schéma dominant dominé". Les psychiatres français contestent cette analyse. Dotée selon eux d'un QI de 131, ce qui fait d’elle une surdouée, Monique Olivier ne serait "ni dépendante ni suggestible". Au contraire, ils estiment que par sa "complicité criminelle organisée et intentionnelle", elle a "alimenté et facilité le fonctionnement pervers de Fourniret".

• Comment la police est-elle remontée jusqu’à Michel Fourniret ?

Une jeune fille de 13 ans donne l'alerte. Le 26 juin 2003, une voiture s'arrête à côté de Marie-Ascension, dans un village belge proche de la frontière française. L'automobiliste lui demande de le guider jusqu'à l'école, elle accepte.
Michel Fourniret la ligote et la jette à l'arrière. Le tueur en série présumé, âgé de 66 ans, aurait dit à sa victime : "je suis pire que Dutroux". À un carrefour, elle réussit à ouvrir la porte arrière et à se jeter hors du véhicule.
Âgée aujourd'hui de 17 ans, elle sera présente pour le procès mais témoignera à huis clos.

Comment l'affaire Fourniret a fait évoluer la traque des tueurs en série en France?

Il a fallu attendre février 2006, et l'émotion suscitée par l'affaire Fourniret, qui suivait Guy Georges, Emile Louis ou Francis Heaulme, pour que le garde des Sceaux d'alors, Pascal Clément, crée un groupe de travail sur le traitement de cette criminalité particulière. Le rapport du groupe de travail fait vingt-trois préconisations pour améliorer la connaissance et le traitement des crimes en série.

Le rapport insiste sur l'importance du procès. Celui de Michel Fourniret donne lieu à une organisation exceptionnelle, avec une attention apportée aux victimes, un aménagement de la maison d'arrêt de Charleville-Mézières. Coût total : 1,9 million d'euros.

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