vendredi 28 mars 2008

Représentativité, mode d'emploi

Tous les jeudis depuis le 24 janvier, syndicats et patronat s’assoient à la même table pour négocier sur la réforme de la représentativité. Leurs conclusions devaient être présentées au gouvernement le 31 mars. Incapables de se mettre d’accord, les partenaires sociaux ont finalement jusqu’au 10 avril pour rendre leur copie.

Qu’est-ce que la représentativité syndicale ?

En France, cinq syndicats (CGT, CFDT, FO, CFTC et CFE-CGC), les mêmes depuis 1966, sont considérés comme représentatifs. C’est à dire que ces cinq confédérations peuvent, dans toutes les entreprises, désigner un délégué syndical pour négocier avec la direction et se présenter au premier tour des élections professionnelles. Les autres syndicats doivent attendre le second tour. La représentativité confère aux syndicats de nombreux avantages gestion des organismes paritaires (Unedic, caisses de Sécurité sociale, etc.), moyens financiers, y compris publics. Ces centrales sont aussi les seules à pouvoir négocier des accords au niveau national interprofessionnel.

Sans cette fameuse représentativité, un syndicat a certes le droit de se constituer mais il ne peut pas nommer de délégué syndical, donc pas signer d’accord. Il n’a pas droit aux heures de délégations accordés aux élus. Il est privé des locaux et moyens mis à disposition par la direction et il lui est interdit de distribuer des tracts à l’intérieur de l’entreprise.

Pourquoi une réforme est-elle nécessaire ?

Les critères de représentativité ont quarante ans et ne reflètent plus la réalité du paysage syndical. Ils prennent en compte les effectifs, l'indépendance, les cotisations, l'expérience et l'ancienneté du syndicat, l'attitude patriotique pendant l'Occupation.

Certaines organisations demandent depuis des années à être jugées représentatives. Il s'agit de Solidaires (dont les syndicats SUD), de l'UNSA et de la FSU, plus présente dans la fonction publique. Elles veulent exister sans se heurter aux barrages juridiques des entreprises et des autres syndicats, pouvoir négocier et bénéficier des aides et subventions.

Comment se passent les négociations ?

Le gouvernement a laissé aux partenaires sociaux jusqu'à la fin mars pour trouver un accord. La négociation se fait à partir d'un texte présenté par le patronat. Les partenaires sociaux ont prévu, après la séance du jeudi 27 mars, de se revoir les 9 et 10 avril pour un ultime rendez-vous.

Quel est le contenu de la négociation ?

Malgré les réticences de FO, de la CFTC ou de la CFE-CGC et, côté patronal, de l'UIMM et de la CGPME, l'audience électorale devrait s’ajouter aux critères de représentativité existants. En se fondant sur les élections au comité d'entreprise ou des délégués du personnel, un syndicat sera jugé représentatif dans l'entreprise s'il franchit un seuil que la CFDT et la CGT proposent de fixer à 10 %.

Sa représentativité dans la branche sera calculée par addition des résultats dans les entreprises. Au niveau national, la représentativité sera obtenue si, propose le texte patronal, le syndicat a fait la preuve de sa représentativité « dans un ensemble de branches employant au moins 60 % des salariés du secteur privé ». Ces critères seraient recalculés tous les quatre ans.

Sur la validation des accords, le patronat reprend la position défendue par la CGT et la CFDT : un accord serait valable s'il est signé par des organisations représentant la majorité (en voix) des salariés. En échange, le Medef veut installer des possibilités accrues pour les entreprises de conclure des accords dérogeant à la loi, ce que refusent les syndicats. Une période transitoire, longue de quatre à huit ans, serait instaurée avant la mise en place de ces nouvelles règles.

Pour augmenter le taux de syndicalisation, aujourd’hui de 8% seulement, le texte évoque la piste d'un crédit d'impôt pour les salariés syndiqués (au lieu d'un abattement fiscal actuellement.

Pourquoi un accord est-il si difficile à trouver ?

Les organisations patronales souhaitent des élections à un tour, ouvertes à tous, syndiqués et non syndiqués, et que les délégués syndicaux soient choisis parmi les élus. Un casus belli pour les syndicats.

Les tensions sont fortes entre « le club des cinq » syndicats représentatifs et ceux qui veulent en faire partie. Beaucoup se résignent à l’arrivée de l’Unsa, qui apparaît comme un syndicat raisonnable et réformiste, mais personne ne veut de Solidaires, dont fait partie SUD (Solidaires, unitaires, démocratiques), très contestataire. Formé en 1988 par des exclus de la CFDT-PTT, renforcé en 1995 puis 2003 par les déçus du même syndicat, SUD s'est d'abord développé dans les entreprises publiques comme la SNCF avant de gagner du terrain dans le privé .

Si la négociation échoue, le gouvernement devra, ainsi que s'y est engagé Nicolas Sarkozy, proposer une réforme qui doit entrer en vigueur cette année. Ces modifications législatives doivent intervenir avant l'été. Après, ce sera la campagne des élections prud'homales, fixées au 4 décembre, un enjeu majeur pour l'audience de chacun.

Un article du Monde diplomatique sur l'avenir du syndicalisme français

Pour un résumé en images, voir ce reportage de France 3

Pour une comparaison européenne des critères de représentativité, voir ce rapport du Sénat

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